Madeleine Delbrel : La conversion est un évènement violent !

La conversion est un événement violent.

Dès ses premières pages, l’évangile nous appelle à la « métanoïa » - convertissez-vous, c’est-à-dire retournez-vous, ne vous regardez plus, faites-moi face. 

Le baptême a effectué ce retournement violent. Mais en nous, cette conversion peut être à peine ou pleinement consciente ; à peine ou pleinement libre.

La conversion est un moment décisif qui nous détourne de ce que nous savons de notre vie, pour que, face à face avec Dieu, Dieu nous dise ce qu’il en pense et ce qu’il veut en faire.

A ce moment-là, Dieu nous devient suprêmement important, plus que toute chose, plus que toute vie, même et surtout la nôtre.

Sans cette primauté extrême, éblouissante, d’un Dieu vivant, d’un Dieu qui nous interpelle, d’un cœur qui propose sa volonté à notre cœur libre de répondre « oui » ou de répondre « non », il n’y a pas de foi vivace.

Mais si cette rencontre est l’éblouissement de tout nous-même par Dieu, cet éblouissement, pour être tout-à-fait vrai, doit être tout-à-fait obscur. Avoir la foi vivante c’est être aveuglé par elle afin d’être conduit par elle. Il nous est difficile d’accepter celle qui fut appelée la « lumière noire ».

(…)

La vigilance de Dieu permet à la foi de rester vraie en l’éprouvant. Il est bien intéressant de voir dans la vie des saints l’imagination de Dieu à l’œuvre…de la voir aussi à l’œuvre dans la vie des gens que nous connaissons et qui ont simplement voulu être des chrétiens pour de bon. Par des circonstances ou des événements prodigieusement variés, on voit dans chacune de ces vies la raison qui, restant elle-même, doit obéir à la foi ; l’espérance contrainte à se passer d’espoir, la charité faire exploser l’amour. On touche là (…) les phénomènes d’une seule vie ; les conditions nécessaires à son développement et à sa fécondité.

Madeleine Delbrel
(extrait de son livre « Nous autres, gens des rues », Le Seuil, 1966)

Rencontre :
Texte utilisé pour illustrer L'Evangile selon Saint Luc (Lc 13, 1-9) 
Sur le même thème, voir aussi l'article de Francine Robert, bibliste canadienne, sur "La seconde Conversion à Dieu selon St Marc" (mars 2003) .
Le passage cité ci-dessus est l'un de ceux qui m'avait le plus frappée en lisant  "Nous autres gens des rues". Toute une chaîne d'événements m'avait menée jusqu'à ce livre. Grand merci à mon épicier bio ... qui présentait régulièrement dans sa boutique les programmes de l'association "Film et Spiritualité" ... Ils lui étaient apportés par une cliente, qui depuis longtemps a déménagé ailleurs. Grand merci à ladite association, pour avoir offert un jour un témoignage vidéo sur une certaine Madeleine Delbrel; le programme précisait qu'elle était laïque, avait habité et agi dans la "ceinture rouge" de Paris en pleine vogue marxiste ...  Grand merci à mes parents et à mes grand-parents maternels, qui ont toujours su garder pleinement leur foi en milieu athée, justement. Le parcours de Madeleine faisait totalement écho à mes propres racines... Qu'avait-elle bien pu dire, écrire, penser, elle, simple baptisée tout comme eux ?  ... Le lien était fait. Ne restait donc plus qu'à a) recevoir un peu d'argent, je ne sais plus de quel ami, pas forcément chrétien d'ailleurs... et b)pouvoir de nouveau marcher ... pour aller acquérir le livre, faute d'avoir pu regarder le film ... Beaucoup de pages sont encore tellement inspirantes aujourd'hui, dans les écrits de Madeleine Delbrel !

En savoir plus :
Madeleine Delbrel (1904-1964) était assistante sociale en plein milieu athée, à Ivry-sur-Seine (94).
- biographie (sur le site inxl6)
- biographie, pensée, fruits (sur le site des madeleines)
- son livre disponible au format poche : "Nous autres gens des rues - textes missionnaires"
DELBREL, Madeleine  - Editions du Seuil, 1966 - ISBN 2.02.026309.2

Illustr. : les deux photographies, "La Maison de Madeleine, Rue Raspail à Ivry-sur-Seine (94) " et "Madeleine avec un enfant"  sont issues du site officiel http://lesmadeleines.free.fr